Nyûtô-onsen

Rédigé par Jérôme

          Pour ouvrir cette série d’articles photos consacrée à la découverte du Japon et des différents endroits du Japon où j’ai eu la chance d’aller, hiver oblige, je vous emmène tout d’abord au Tôhoku, région nord de l’île principale de Honshû, dans le département d’Akita (Akita-ken), à Nyûtô-onsen plus exactement.

          Ce sera l’occasion de vous présenter un élément important du quotidien des Japonais, les onsen, sources d’eaux chaudes naturelles, propices à de délicieux moments de détente; ce sera aussi l’occasion de vous présenter les ryokan, ces fameuses auberges traditionnelles japonaises.

               On est janvier 2010, près de Kakunodaté et du lac Tazawa (Tazawa-ko) dans le Parc National de Towada-Hachimantai. Nous partons pour une excursion de quelques jours à Nyûtô-onsen, un genre de village thermal constitué en fait de quelques ryokan (6 en tout) et de leurs sources d’eaux chaudes (onsen) éparpillés sur le plateau de Tazawa kôgen. Ici en hiver la nature se pare de son épais manteau neigeux, en effet dans ce département orienté vers la Mer du Japon les précipitations hivernales, sous formes de neige, peuvent atteindre plusieurs mètres.

            Notre choix s’est d’abord arrêté sur Tsuru no yu onsen, le plus célèbre ryokan de Nyûtô-onsen. Un peu excentré des autres, c’est un mini-bus personnel qui vient vous chercher pour vous amener dans ce lieu de paradis, l’un des cent ryokan caché du Japon. Nous logeons dans une toute petite maison traditionnelle en bois rien que pour nous (constitué d’une seule pièce en tatami avec un irori, foyer central, au milieu de la pièce). Dehors la neige recouvre tout et les sorties dans les bains extérieurs en yukata (léger kimono en coton mis à disposition dans les ryokan et habituellement porté en été) et haori (sorte de veste que l’on porte sur le kimono) sont assez épiques !

          Il y a ici quantités de sortes de bains : intérieurs, extérieurs (rotenburo), solo, mixte ou pas, très très chaud, moins chaud… les bains sont libres d’accès 24h/24h aux personnes passant un séjour ici ! Il y a même plusieurs sources qui sont exploitées sur le même site, ce qui veut dire que les différents bains n’utilisent pas forcément les mêmes sources d’eaux chaudes dans ce ryokan vraiment typique. 

          Les onsen japonais sont inoubliables, il y en a partout, rappelant l’activité volcanique de l’île (le Japon est le pays qui possède la plus forte activité géothermique au monde et qui possède aussi le plus de sources d’eaux chaudes), ils nous immergent totalement dans le mode de vie des Japonais. S’y rendre constitue d’ailleurs l’activité de détente préféré des Japonais, souvent le temps d’un week-end ou de courtes vacances. On peut retrouver quantités de sources d’eaux chaudes dans tout l’archipel, celles-ci peuvent avoir différentes couleurs, différentes températures, différentes propriétés… À Tsuru no yu onsen les eaux chaudes étaient d’une couleur laiteuse et opaque.

Le rotenburo mixte de Tsuru no yu onsen

          Il s’agit d’un de mes souvenirs les plus agréables du Japon, passer deux nuits ici, perdu au milieu des montagnes et des forêts dans une petite maison en bois traditionnelle rustique avec tatami, futon et foyer central (irori) où l’on nous cuisait et servait les repas, à pouvoir prendre des bains chauds à toutes heures entouré de plus d’un mètre de neige. Au menu du soir, un kiritanpo nabé (la spécialité d’Akita) avec pleins de variétés de champignons, de yama-imo (patates de montagnes) et de sansai (plantes de montagnes), du riz blanc et du saké d’Akita, des petites truites qui grillent directement sur des bâtons dans l’irori

Kiritanpo nabé et truites cuisent dans l’irori

Après avoir passé deux jours à Tsuru no yu onsen, nous nous offrons une petite balade dans les forêts enneigées du coin en nous rendant à un autre des 6 ryokan qui compose Nyûtô-onsen, Magoroku-onsen, juste pour le plaisir de goûter leurs bains. La quantité de neige qui recouvre les bâtiments ou plus simplement la forêt est hallucinante.

Puis nous allons à l’autre ryokan célèbre du coin, Ganiba, célèbre pour son rotenburo mixte un peu à l’écart de l’auberge au milieu de la forêt et pour ses bains intérieurs en bois de hinoki (variété de pin japonais très prisé pour les bains). Le ryokan de Ganiba est moins rustique et moins authentique que celui de Tsuru no yu onsen qui est un must en la matière, ce sont surtout ses deux bains qui en ont fait sa réputation et c’est vrai que de ce côté là on est gâté. Pourtant l’eau n’est pas laiteuse comme à Tsuru no yu onsen, elle est claire et moins chaude (surtout pour le rotenburo) mais il faut dire qu’à Tsuru no yu onsen elle était vraiment très chaude.

Le rotenburo mixte de Ganiba, perdu au milieu de nulle part
rotenburo mixte de Ganiba
Bain intérieur de Ganiba tout en bois de hinoki
Repas du soir au ryokan de Ganiba

          Souvent quand je voyais des Français en voyage au Japon, ils n’étaient pas plus emballés que ça par la pratique des onsen au Japon (soit parce qu’il fallait y entrer nu, soit parce que l’eau était souvent très chaude), et pourtant quoi de mieux pour s’immerger totalement dans la vie des Japonais que de se rendre dans un onsen, de se mettre à nu comme tout le monde, de se laver avant de rentrer dans des bains brûlants avec sa serviette posée sur le front, c’est pour moi un des immanquables à faire au Japon.

          Paradoxalement je me souviens avoir rencontré un jour un Français qui était au Japon depuis un an et qui adorait les onsen, il disait : « c’est toujours dur de rentrer dans le bain au début (car c’est très chaud) mais après c’est toujours trop bon (et on ne veut plus en sortir) ! », pour ma part j’ai toujours vécu cette expérience de cette façon là et ce fut toujours un plaisir sans cesse renouvelé.

          Plus globalement à mon avis on devrait s’inspirer du Japon concernant nos sources thermales, tellement mal exploitées et mises au service bien souvent de seulement quelques-uns pour des cures médicales prescrites pas des docteurs. Les Japonais ont réinventé (ou plutôt ont inventé) une façon d’utiliser leurs sources en conciliant détente et soin car tout le monde a accès aux onsen, tout le monde peut profiter de ces moments qui allient vacances, détente, repos et soin quotidien, un véritable art de vivre et une belle leçon à retenir.